S’informer

D’où viennent ces pollutions ?

Si certaines bactéries fécales qui se retrouvent dans l’eau des plages proviennent certainement des fientes de goélands ou des crottes de chiens qui se promènent sur le sable, les véritables sources de pollution sont à chercher ailleurs.

Lorsqu’il pleut, toutes les gouttes de pluie retrouvent la rivière plus ou moins rapidement. Et lorsque le sol est situé sur une roche imperméable comme c’est souvent le cas en Bretagne, les gouttes de pluie rejoignent facilement la rivière et peu les sous-sols. Elles ruissellent et emmènent avec elles la pollution des sols (bactéries, virus, pesticides, PFAS, hydrocarbures, micro-plastiques) à la rivière. C’est le ruissellement.

Lorsqu’il pleut beaucoup, le ruissellement peut lessiver les sols agricoles. Dans les régions où il y a beaucoup d’élevage, les épandages de lisier et de fumier font partie des pratiques courantes.

S’il pleut après un épandage de lisier, le lessivage des sols amène également les bactéries animales à la mer.

Lorsqu’il pleut beaucoup, le ruissellement peut perturber nos systèmes d’assainissement car les réseaux d’eau pluviale et d’eaux usées ne sont parfois pas bien séparés. Le débit est alors trop important pour la station d’épuration qui ne peut pas tout traiter… et donc une partie des bactéries se retrouve à la mer.

Certaines habitations n’ont pas d’assainissement aux normes... et là, les eaux usées vont directement à la mer.

La réponse à toutes vos questions

Les eaux de baignade de mauvaise qualité, c’est pas la faute des effluents mais des stations d’épuration, non ?

Non, ce n’est pas vrai. Les stations d’épuration sont contrôlées, les postes de relevage sont suivis, nous savons exactement quand il y a des dysfonctionnements, et cela n’explique qu’un tout petit nombre de pollutions.

D’une façon générale, les origines des pollutions des zones urbaines sont connues, identifiées, localisées et en cours de traitement. Le point le plus ingrat est l’exercice de la police des branchements.

Pendant vingt ans, les stations d’épuration ont été accusées d’être à l’origine des marées vertes, alors que les scientifiques expliquaient que les épandages agricoles étaient à l’origine de l’essentiel des nitrates.

Pour les bactéries, c’est encore plus probable puisque, chaque jour, un porc produit autant de bactéries que trente humains et une vache autant que cinq humains. Et leurs effluents ne sont pas traités ou très partiellement avant épandage : c’est donc là qu’il faut chercher désormais.

En Bretagne, par exemple, la carte des plages polluées correspond, pour une très large part, à celle des élevages et des épandages, pas à celle du tourisme, ni à la carte des oiseaux de mer, des chevaux ou des chiens…

Vous voulez détruire l’économie touristique ?

Non, au contraire ! Quand il y a de la fièvre, ce n’est pas le thermomètre qu’il faut accuser… Ce que nous voulons, c’est que les touristes puissent profiter pleinement de leurs vacances.

Ceux qui risquent de détruire l’économie touristique, ce sont ceux qui polluent et qui veulent que cette pollution soit cachée, pas ceux qui veulent des plages propres et saines.

Faute de résoudre le problème des algues vertes, on a déjà fermé discrètement des plages. Assez d’omerta ! Nous voulons que les plages restent ouvertes, propres et saines.

Les agriculteurs font des efforts, vous voulez les pousser à la faillite ?

Il s’agit de notre santé et de celle de nos enfants : les efforts ne suffisent pas, il faut des résultats.

Comme pour les humains (directive ERU), une réglementation devrait bientôt encadrer les pollutions bactériologiques des effluents d’élevage. Cela prouve qu’il est nécessaire d’agir ! Pour l’instant, ce sont les citoyens qui ont fait de gros efforts pour traiter leurs eaux usées, pas les animaux ni leurs éleveurs.

Les déjections des chiens, chevaux et goélands sont des facteurs contaminants ?

Les déjections d’animaux sauvages ou domestiques peuvent être à l’origine de pollutions limitées et localisées, mais pas des pollutions chroniques des plages, et encore moins des cours d’eau qui s’y jettent. De plus, les chiens et goélands fréquentent toutes les plages, même celles classées comme « Recommandées », et s’ils étaient à l’origine de la contamination, toutes les plages seraient donc polluées.

Quelques crottes ne vont quand même pas tuer un humain ? 

Les bactéries et les virus ne seraient pas dangereux ? Parfait ! Dans ce cas, arrêtons de traiter les eaux usées, qui contiennent des centaines de fois moins de bactéries que les effluents des animaux... Les gastroentérites sont un accident courant. Ces bactéries fécales peuvent tuer, affirme l’Organisation mondiale de la santé. De récents scandales impliquant fromages et pizzas le prouvent.

Les marqueurs montrent que ce ne sont pas les porcs qui polluent , non ? 

Les marqueurs utilisés par les laboratoires d’analyse appartiennent aux bactéroïdales, des familles de bactéries fécales différentes de celles d’E. coli et des entérocoques. Contrairement à E. coli et aux entérocoques, il est possible d’identifier le "producteur" des bactéroïdales par leur patrimoine génétique. Cette méthode est issue des travaux de recherche de l’Ifremer.

La limite de cette méthode réside dans la faible espérance de vie des bactéroïdales. En effet, elles ne résistent pas plus de quelques jours dans une fosse à lisier, a fortiori dans un champ. À la différence d’E. coli qui est très résistante. Ainsi, lorsque des bactéries E. coli sont détectées dans l’eau, les matières fécales dont elles proviennent peuvent être vieilles de quelques heures comme de plusieurs semaines. Dans ce deuxième cas, les bactéroïdales provenant de ces mêmes excréments auront disparu depuis longtemps et il sera donc impossible de déterminer le “producteur” d’E. coli.

Un exemple. Si des vaches pâturent dans une prairie et qu’il pleut fortement, les marqueurs bovins pourront être repérés car ils seront encore vivants. Mais si la pluie ruisselle sur du lisier (les déjections porcines utilisées comme engrais) qui a été stocké quelques semaines et épandu depuis plus d’un mois, seules les E. coli partiront en voyage vers le fossé, le ruisseau, la rivière et la plage. Les bactéries indicatrices seront mortes depuis bien longtemps. Il ne sera donc pas possible, par cette technique, de montrer que les bactéries fécales proviennent du lisier, alors que c’est en réalité bien le cas.

Dans certaines régions, il y a des plages polluées mais pas d’élevage intensif. Comment cela se fait-il ?

Les causes doivent être analysées au cas par cas.

Bien sûr, l’assainissement peut être la cause principale des pollutions, particulièrement lorsque la population humaine à proximité des plages est bien plus importante que la population animale. Stations défectueuses, réseaux défectueux ou mauvais branchements ne sont pas rares.

Oui, les pluies méditerranéennes très intenses récurent les réseaux pluviaux et entraînent des contaminations. Oui, des zones urbaines de bord de mer ont des plages à éviter selon nous.

Qu’est ce que je risque en allant me baigner sur une plage « à éviter » ? 

Si vous êtes un adulte entre vingt et soixante ans, non immuno-déficient, le risque de gastro-entérite est très faible. Si vous n’appartenez pas à cette catégorie, évitez de boire l’eau de mer, même involontairement…

Se baigner dans l’eau d’une plage à risque est un choix personnel ; mais pour pouvoir le faire en connaissance de cause, il faut de l’information : nous ne prétendons pas décider à votre place, juste vous donner les éléments pour choisir.